Cinq questions à Emmanuel Lincot sur la pratique de commissaire d’exposition
Propos recueillis par Ziqi Peng
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AVM : En Europe, pour être un commissaire d'exposition de qualité, quelles sont les qualités et les capacités à avoir ?
Emmanuel Lincot : Le métier de commissaire est traditionnellement dévolu à des conservateurs de musée qui ont intégré les bases de la muséographie à un niveau scientifique. Beaucoup, pour la France, sont formés à l’École Nationale du Patrimoine après avoir passé l'un des concours les plus difficiles de la fonction publique. Toutefois, le métier a changé. Il n'est pas rare de voir des critiques d'art ou des journalistes devenir curator le temps d'une exposition mais la finalité n'est pas la même car les institutions qu'ils représentent ne sont pas non plus les mêmes. Leur marge de manœuvre (stratégie pour les prêts, capacités financières...) est également très différente. On ne peut absolument pas généraliser les pratiques. AVM : Quelle est la procédure pour organiser une exposition de qualité en Europe ? E.L : Je ne m'exprimerai qu'au niveau de la France. Le minimum à garantir est d'établir un comité scientifique pour la sélection des œuvres et de veiller à ce que ni l'institution ni le marché ne finissent par imposer leurs exigences. L'on a vu trop souvent les œuvres prises dans un engrenage - présentation, publicité - et devenir les opérateurs du marché de l'art. AVM : Pourriez-vous présenter l'exposition la plus emblématique que vous avez organisé ? E.L : J'avais organisé la première exposition d'art contemporain en France à la Biennale d'Issy les Moulineaux en 1999. Rong Rong, Wei Dong et bien d'autres artistes étaient présents. C'était un grand moment. Bien avant "Alors la Chine ?" au Centre Pompidou, cette exposition montrait des artistes qui allaient devenir très célèbres dans le monde. Mais nous avions des moyens encore dérisoires. Tout simplement parce qu'à l'époque ni le marché ni les institutions ne s'intéressaient à l'art chinois. Époque héroïque donc ! |
AVM : Aujourd'hui, il y a beaucoup d'expositions sur des artistes chinois à travers le monde, avez – vous eu un coup de cœur ? Si oui, la/les quelle(s) ? Sinon, que pensez-vous de ce genre d'expositions ?
E.L : J'aime le travail qui est fait par des galeries sérieuses en termes d'expositions. C'est un travail de sélection en amont, de rencontre des artistes mais aussi de tâtonnement, d'expérimentation qui ne se laisse pas dicter par les les lois du marché. Les galeries de photographies Magda Danys ou Paris-Pékin mais aussi celle de Pearl Lam à Shanghai me sont sympathiques parce que l'on se soucie à la fois des artistes et du public, et d'une manière pédagogique. Toutefois, d'une manière générale, les expositions consacrées à l'art contemporain chinois dans le monde sont assez décevantes parce que nous savons qu'elles répondent à une demande purement spéculative. La seule façon d'échapper à cette tendance dominante, c'est de faire travailler les institutions avec des universitaires, des historiens de l'art. Wu Hung à Chicago est un bon exemple. AVM : En tant que commissaire d'exposition, avez – vous déjà participé a un montage d'exposition avec des chinois ? Si oui, quels sont vos commentaires ? Si non, avez – vous des suggestions vis-a-vis du montage d'exposition «à la chinoise» / chez les chinois ? E.L : Je n'ai pas travaillé avec des Chinois dans le domaine des expositions depuis 1999. Je sais que leurs pratiques se sont professionnalisées. Je serais ravi de renouveler l'expérience. Il y a un travail très important à faire pour sensibiliser le public français à l'art contemporain chinois.... |
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